Confrontation [Zero]

Une semaine après l'accident de Jun ~

Rui venait tout juste de quitter le petit bâtiment désafecté dans lequelle sa réunion venait d'avoir lieu. Son second plus gros acheteur de drogue avait eu la - au combien - bonne idée, de mettre en place une rencontre dans un lieu discret mais où n'importe quelle oreille pouvait traîner. Le directeur de Opium Industrie n'était cela dit pas totalement stupide, et avait affirmer qu'il donnerait des dates d'importantes livraisons par mail plutôt qu'ici. Pourtant, il en avait donner d'autres beaucoup moins importantes... Ainsi, si une mauvaise oreille avait trainé par là, il pourait tendre une embuscade pour arrêter les voleurs. Soit, il n'était donc pas particulièremment content que cette réunion ce soit dérouler, mais lorsque la semaine dernière, le directeur de ce magasin l'avait appelé en catastrophe, il n'avait pas réellement fait attention de l'endroit où le rendez-vous allait avoir lieu. Tant pis. les erreurs arrivaient à tout le monde, même à lui, et il pouvait aisément le reconnaitre de lui-même - même si jamais devant quelqu'un d'autre que lui-même, justement.

Le blond passait la dernière porte qui reliait deux bâtiments accolés l'un à l'autre, dont celui de sa réunion, quand il entendit des bruits de pas derrière lui. Ils avaient pourtant convenu, au détour d'un chuchotement, qu'ils sortiraient à dix minute d'intervalles chacun... Donc, ça ne pouvait en aucun cas être quelqu'un qu'il connaissait. Il avait alors eu pleinement raison de se méfier de cette endroit, non ? Rui ralentit le pas et tendit mieux l'oreille, étrangement, tout bruit venait soudainement de cesser. Le directeur stoppa sa marche, et restant de dos, il s'exclama.

" Tu peux sortir de ta cachette. "

Un étrange rictus étirait ses lèvres. Il avait un pressentiment.

Il faisait noir. Noir comme dans un four.
Il avançait à tâtons, dans cette semi-obscurité qui sentait le moisi. La tête haute, l’œil aux aguets, l'oreille alerte. Le moindre faux-pas, il serait démasqué, et l'opération serait vouée à l'échec.
Il croyait avoir prit toute les précautions nécessaires... Mais c'était sans compter sur la méfiance de son ennemi.

Zero, suivant les indications données par Jun, se rendait sur le lieu de rendez-vous qui lui permettrait d'obtenir - il l'espérait - plus amples informations sur une grosse arrivée de drogue. Une expédition punitive se profilait déjà dans son esprit, bien que cela ne le réjouisse point d'enrôler ses semblables dans un tel périple - une opération similaire à celle qui avait sonné le glas pour ses parents, se rappela t-il avec amertume. Mais il n'était pas encore temps de songer à cela. Avant toute chose, Zero se devait d'apprendre le lieu de cette future livraison, et il espérait bien qu'espionner Rui et ses fournisseurs lui permettrait de la connaître.

Zero entendit des voix s'élever au bout du couloir, qu'il parcourait doucement. Il s'approcha précautionneusement, à l'aveuglette, souffrant de l'absence de lumière. Tout ses sens en éveil, il tourna à droite, alors que le chemin se séparait en deux, et enfin, il vit les lueurs d'une lampe halogène filtrer à travers une fenêtre fracassée. Il se mit à quatre patte sur le sol poisseux, demeurant ainsi dans l'ombre jusqu'à atteindre le seuil de la salle de rendez-vous. Il savait qu'il ne pourrait pas rester bien longtemps, alors il priait pour que l'information qu'il souhaite tombe dans les quelques minutes qui suivraient. Cependant - et il se retint à grand peine de grogner de déception - seules quelques bribes futiles furent dévoilées. Rui était décidément plus prévoyant qu'il ne l'aurait cru - il l'avait sous-estimé - et le juron qui se forma dans son esprit franchi la barrière de ses lèvres en un soupir étouffé. Le silence se fit dans la pièce d'à côté, et Zero jugea qu'il était temps de se cacher, afin d'attendre la sortie de Rui. Même s'il n'avait pas obtenu ce qu'il voulait, il comptait bien faire son travail jusqu'au bout - quitte à prendre des risques. Rampant telle une chenille jusqu'au renfoncement de mur le plus proche, le chef des rebelles se fondit dans la paroi et devint rapidement invisible - l'obscurité avait ses avantages, finalement. De là où il était, il avait une vue parfaite sur la porte d'entrée de la pièce. Un homme en sorti quelques minutes plus tard, mais ce n'était pas celui qu'il attendait. Il dû encore patienter une dizaine de minutes pour voir se découper dans la lumière la chevelure platine de son ennemi de toujours. Là, il se détacha du mur, et commença à marcher, se calant sur le rythme de Rui. Une colère sourde et un déchirement profond lui vrillait les entrailles, alors que ses yeux fixaient le dos de son ennemi. S'ils avaient pu lancer des éclairs, nulle doute que Zero l'aurait liquidé sur place. Ils progressèrent à l'unisson, jusqu'à ce que le directeur d'Opium Industrie ne cesse de marcher. Zero, prit d'un élan de panique, fit de même, tout en se dissimulant derrière un coin de mur. Mais il était trop tard. Les mots tombèrent, durs, glacials :

_ Tu peux sortir de ta cachette.

Zero n'eut alors d'autre choix que de s'avancer. Ils étaient à l'extérieur désormais, et la lueur de la pleine lune couplée à celle des réverbères suffisait à rendre son corps parfaitement visible. Plongeant ses mains dans ses poches, et affichant une mine décontractée comme s'il venait de retrouver une veille connaissance, le chef des rebelles parcourut nonchalamment les quelques mètres qui le séparaient de son ennemi, tout en lâchant :

_ Bonsoir, Rui.

L'instinct de Rui était infaillible, preuve à l'instant même. Le pressentiment qui lui avait oppressé la poitrine l'espace de quelque seconde venait de se révéler être exact. C'était bien Zero, là, devant lui ; son pire ennemie. C'était à croire qu'il portait une aura néfaste pour que le blond l'ait ainsi repéré. C'était à n'en pas douter, même ; le chef des rebelles représentait tout ce que Rui exécrait du plus profond de son être ; un petit prétentieux qui n'avait que des belles paroles... Pourtant le directeur devait reconnaître que pour une fois, ce dernier avait eu l'infime courage de se déplacer, puis de se montrer à lui sans rechigner. C'était d'ailleurs très risible, cette façon de se tenir devant lui, cette expression neutre... Neutre. Comme s'il avait pût se permettre de roder aux côtés du chef des junkies avec allégresse et sans craindre de représailles. Foutaise. Tout n'était que foutaise. Autant la manière décontractée dont il se tenait, et ce ton sur lequel il avait osé prononcer son prénom ; comme s'ils avaient été deux vieilles connaissances se retrouvant après des années de séparation. Le prenait-il pour un idiot ? Rui voyait pertinemment que Zero n'était pas aussi impassible qui le montrait ; sa rage envers lui n'avait de cesse d'habiter son coeur. Elle était palpable, même cachée derrière une tel masque.

Le rictus sur le visage de Rui s'intensifia alors, et il mit un certain temps avant de se retourner face à son ennemi. D'une manière tout aussi détachée, enfouissant à son tour les mains dans ses poches quand il remarqua ce détail sur le corps de son vis à vis, il se retrouva à quelques mètres du rebelle. Revoir ce visage après tant d'année ne lui avait vraiment pas manqué mais... C'était juste magnifique. Zero était là, dans le clan des junkies, au land of decadance, et s'offrait tel un bout de viande aux crocs acérés de Rui. Rui qui n'attendait que cela, que le chef des rebelles de pacotille vienne en ses terres pour qu'il puisse l'éliminer. Trop beau, oui. Il savait que l'autre ne se laisserait pas faire, mais Rui avait confiance ; il était beaucoup plus fort et habile.

Cette idée fleurissant avec bonheur dans son esprit, son étrange sourire ornant son visage, il répondit à Zero de la même manière que ce dernier, mais avec une pointe d'ironie en plus :

« Oh tient... Zero, mon bon vieux Zero... Que me vaut cet honneur ? »

Certainement pas une visite de courtoisie, juste un vil espionnage. Rui avait eu raison de se méfier, il avait toujours raison.