Orage.... [Nao]

Philomène était trempée, de la tête au pied. Elle tremblait. Ses cheveux autrefois roses et soyeux n'étaient qu'une loque conforme à l'état d'esprit dans lequel elle était maintenant. Le coeur battait si fort qu'il ne manquerait pas de transpercer sa chair blanche. La jeune femme eut un couinement et son visage s'emplit des ténèbres qui la tenaient. Ses yeux si doux se remplirent d'une haine à la couleur du sang. Elle se mordait la lèvres, la laissant perler de douleur sur son menton crispé. Ses mains, s’entre-tuaient, dans l'ombre. Lâche.
Ce Junkie... ce sang.... Une autre vie avait été volée et elle la ressentait au plus profond d'elle même, comme si on lui avait arraché une partie de son âme.
Les éclairs zébraient le ciel, déchirant les nuages, violents. Dans un bruit d'enfer, ils résonnaient dans le crâne douloureux de la jeune femme.

- I'm coming home... I'm coming home, tell the world... I'm coming...

Elle ferma les yeux, la mélodie envahissant chaque parcelles de son esprit tourmenté. Elle revoyait ce visage déchiré, ses yeux emplis de peur... Cette vie arrachée sans acquis de conscience.
Une monstruosité.
Elle tremblait, toujours plus fort encore.

- Home...

Elle y croyait à peine...

- Nao !!

Elle se jeta dans ses bras, le visage ruisselant de larmes. Elle retrouvait un certain réconfort, une accroche à la réalité à sentir un contact. Elle s'accrochait à lui, de son regard, de ses mains d'enfants, pour ne pas qui la laisse tomber dans l'horreur de la mort qu'elle venait l'apercevoir.
Tellement fragile, comme une fleur sous l'orage, elle lui embrassa les joues, le menton tremblant et la jeune fille manquant d'exploser en larmes à nouveau.

- Je t'en prie... Reste avec moi... Ne me laisse pas...

Ses yeux de couleur chocolats, auparavant si gourmands, le suppliait ce jour là, pleins d'effroi. La peur la saisissait de partout.

Elle serrait dans ses bras davantage, enfouissant son visage meurtrit entre les plis doux et rassurant de l'homme. Ses bras fins serraient son corps, refusant de le lâcher et de retomber dans les eaux profondes de sa peur. Sa respiration se calmait, malgré quelques hésitations encore. La jeune femme ferma les yeux, sentant ses mains d'homme caresser son crâne, et défaire ses cheveux roses. Ses lèvres touchèrent son front comme une bénédiction. Des frissons la prenait, toujours plus effrayés.

- Je... Son visage... Son âme... Hurlante... La terreur et le sang... Une partie de moi.... On m'a tué... Je ne sais pas.... J'ai peur....

Oui, elle avait terriblement peur et tout son corps en témoignait

- Je t'en prie... Ne me laisse pas.... Je ne veux pas tomber....

Sa voix d'enfant chantait, pleurait...

- Nao.... Nao....

Elle se resserra davantage contre son corps. De ses mains blanches, elle s'enroula doucement dans l'élégant manteau de son Junkie... Doucement, elle releva la tête quand il leva son visage au sien. Acquiescent à chacune de ses paroles, remerciant le ciel de lui avoir envoyer un ange. Elle posa ses lèvres roses sur son menton, extrêmement tendre.

- Si tu aurais vu son regard... Le diable avait saisi son âme, et le faisait hurler de ses péchés... Une ombre meurtrière se glissait derrière lui... Comment peut-on prendre la vie d'un homme... ? Comment... ? Sa mère qui a souffert, avec tout l'amour du monde pour mettre au monde son enfant... C'est monstrueux...

Elle secoua la tête, reposant son visage contre son torse chaud, cherchant à se faire câliner davantage, encore bouleversée.

- Nao... C'est Dieu qui t'envoie...

Sa petite main caressa doucement sa joue, ses yeux lui offrant toute l'adoration qu'elle pouvait donner, se rassurant sous ses caresses et sous ses mots, qui résonnaient dans son coeur. Elle posa à nouveau ses lèvres sur ses joues, sur la commissure de ses lèvres.
Peu à peu, elle enfoui cette terreur tout au fond de son âme, pour ne plus la faire resurgir. Dans un dernier hurlement de coeur, elle murmura :

- Tu... Protège moi contre cette ombre... Je... Aide moi...

Ses yeux le suppliaient, demandant ce dernier réconfort. Son corps ressentait la petite tendresse qu'il lui donnait.

Elle l'entraîna doucement sur la banquette d'une table, isolée au fond du bar. Accolée à la fenêtre, le spectacle saisissant de l'orage qui grondait, la jeune fille se blottissait contre lui. Ses yeux aux belles nuances chocolatées reprenaient vie, et retraçaient avec douceur, chaque rides et creux de son visage.

- Tu es beau...

Elle tendit sa main et la glissa dans ses cheveux mouillés, et à son tour, caressa l'homme qui ce soir, l'aiderait à garder la tête hors de l'eau. Philomène lui baisa une nouvelle fois le visage, les tempes, le front, se délectant du parfum de liberté que dégageait Nao.

- Je suis désolée.... Tu sais... Je ne pensais pas avoir si peur...

Elle ronronnait presque, la main de Nao dansant dans ses cheveux qui retrouvaient peu à peu leur beauté. Quand il prit sa conversation téléphonique, elle essaya de tendre l'oreille pour comprendre ce qui se passait. Et comme elle n'entendit rien, la curiosité la saisit. Doucement elle se redressa, montant sur ses genoux. Les yeux n'osant pas rencontrer les siens, elle demanda d'une petite voix timide

- C'est quoi ton boulot ? Qu'est ce qu'on t'a ordonné ?

Il était rare qu'il parle de lui. Elle voulait en profiter, pour mieux le connaître.

Elle posa sa tête sur le creux de son épaule doucement... Les mains posées sur son torse, sous souffle chaud dans con cou, les lèvres tout prêt de sa pomme d'Adam. Elle posa deux doigts dessus et lui murmura :

- Sais-tu que c'est croquant la pomme qu'un morceau lui est resté dans la gorge... ?

Elle ferma les yeux, telle Lilith violée, et laissa cette atmosphère occulte l'envahir de part en part... Tentation brutale de Lucifer. Ses lèvres embrassèrent le reste de Genèse...

- De quoi voudrais-tu parler ?

Elle l'écoutait, ses lèvres se promenant sur sa peau froide....

- Je suis lucifériste... Comme les êtres faibles de l'humanité, j'ai besoin de fixer mes repères dans les ombres de la déchéance de Anges... Les Ténèbres comme tu les appelles ont été érigées à la Genèse de l'être humain, et le Mal est une création de survie pour chacun... J'aime sentir les pouvoirs mystiques et psychiques d'un être supérieur qui nous dirigerait....

Philomène s'arrêta un instant, ouvrant le col de son Ange Noir.

- Parle moi de tatouage alors....

Il avait la peau sèche et le poil dru. Elle grogna doucement, passant ses doigts doucement sur son cou, qu'elle dénudait peu à peu. Et ses lèvres, toujours plus douces, toujours plus sensuelles, embrassaient et caressaient chaque parcelle de peau qu'elle mettait jour. La tatoueuse répondait, se blottissant un peu plus contre lui

- Quel tatouage voudrais-tu ? Où ? Dimensions ?

Elle fit sauter quelques boutons de sa chemise.

- Tu le voudrais entier ou juste la tête ? Un peu dans l'idée du chien des Baskerville ? Tu voudrais de la couleur ? Genre du rouge dans les yeux, du sang dans la gueule ?

Elle le questionnait, visualisant. Elle essayait de s'imprégner de la violence de l'animal, tout en cherchant des connotations auxquelles elle pourrait davantage se poser pour dessiner ce chien... Un chien... Comme cette patte posée sur le corps de ce Junkie. Philomène eu un violent frisson et se serra encore contre lui.
Son corps imberbe l'intéressait... la fascinait. Ses doigts se promenaient dessus, accompagnées de ses lèvres, toujours....

- Il faut que je fasse le croquis, que tu le valide. C'est un gros tatouage tu sais, ça va demander du temps et des détails. Puis il y a le stencil à faire... Ça va prendre toute la nuit et il y aura d'autres séances...

Elle était toute soumise. Petite femme contre lui, toujours les yeux baissés... Les lèvres posées sur le milieu du torse, elle essayait de faire parvenir son désir qui grimpait, malgré elle.

- Tu peux payer en plusieurs fois... L'encre rouge est la plus chère sur le marché... Approximativement, je dirais environ... 60 balles... ouais 55-60 balles, quelque chose par là.

Elle reconnaissait ne pas être très chère. Mais elle faisait ses tatouages avec passion et amour avant tout. Et ce plaisir n'avait pas de prix.

- Tu peux toujours resté à la maison si tu veux, c'est à quelques mètres. Peut-être sera-t-il plus facile de travailler.... Mais oui, il faudra que tu reviennes, de 1 à 2 fois par semaine

Elle fit glisser le manteau le long des ses épaules de son futur client. Bien vite, la chemise le suivit. Ses doigts caressèrent ses hanches et elle se laissa glisser à genoux devant lui. Ses yeux se levèrent vers lui, remplis d'un désir timide et de soumission.