La pleine lune est apparue.[Aki]

Hyde se trouvait dans une grande rue déserte, clope au bec, mains dans les poches, pas lourds. Il s'ennuyait. Encore et toujours cette femme dans sa tête. Il avait beau avoir baisé quelques fois aujourd'hui. Rien n'y faisait, elle était toujours présente. Il chercha tant bien que mal des moyens de distractions, laissant la gestion de l'entreprise à son meilleur employé, son lèche-bottes comme il aimait l'appeler. Il avait pensé à la torture mais chaque personne qu'il avait pu croiser jusque maintenant ne l'extasiait pas du tout. Il se stoppa, planté comme un piquet, humant de sa fumée et jetant sa tête en arrière. La lune était pleine aujourd'hui et avait le don d'apaiser légèrement le coeur de Hyde. Quand il décida de reprendre la route, sa vue s'arrêta sur une personne tout de blanc vêtu. A la distance où il se trouvait, il pensait avoir à faire à une femme et décida d'aller regarder de plus près sans aucune gêne.

Fredonnant Karma Police, il déambulait, avec sa démarche assurée et ses poings instinctivement fermés, le sens en alerte et la tête bien sur les épaules. Il n’était jamais détendu. Il ne pouvait pas se détendre dans pareil endroit, dans pareils conditions. C’était un sacrilège. Un rire gras et qui se voulait aguichant lui parvint de l’entrée d’un bar, d’où il senti la fragrance de la vulgarité dans son étoffe la plus misérable. Passons.

Quand je serais intemporel. Des pas résonnèrent mais il ne leur accorda aucune importance. Le ravage du temps enivrait son esprit. Il marchait, ses yeux fixés sur ses pensées, divaguant d’un méandre à un autre, tournant toujours autour de ce qui le faisait tiquer le plus : La came.

Les pas refusèrent de s’arrêter, ou de passer. Non, il fallait qu’on s’approche de lui, juste au moment ou il voulait être seul, le plus seul au monde. Une petite silhouette se distinguait dans la pénombre, et il paraissait qu’elle voulait l’approcher.

- Je te prierai de rester loin de moi. Grinça-t-il entre ses dents. Il l’avait vu, ce visage. Cette clope. Cet air vulgaire et vicieux. Ces traits tirés par le manque de sommeil. Il les avaient vus, ses yeux.
Des yeux de prédateur.

Et bien, Hyde se faisait accueillir dans la joie constata-t-il. Il trouvait qu'en ce moment, beaucoup de junkie osaient lui parler d'une manière qui ne le convenait pas du tout. Cependant, son ton ne fit qu'attiser sa curiosité et il s'approcha encore plus et d'une voix claire ainsi que dans un ton sec, il déclara:

-Je n'aime pas vraiment qu'on me tutoie alors que nous n'avons aucunes relations tous deux. Et encore moins sur ce ton.

Il s'accouda à un mur et dévisagea l'inconnu éclairé par les rayons de lune. Il possédait un visage fin, des yeux froids et distants, une bouche enragée. Il avait tout d'un homme qui ne profitait pas de la vie comme il se devait pensa Hyde. Il attendit, il verrait bien la réponse de l'inconnu. La lune l'hypnotisait toujours autant. Il aimerait bien s'y rendre un jour et dompter cette belle petite blonde...

Perspicace pour son genre. Le petit être avait franchit la distance entre eux sans vergogne et s’était positionné sous son nez comme un enfant réclamant un bonbon. Cependant, l’odeur de la nicotine commençait à lui piquer le nez, chose qui attisa son courroux. Il recula d’un pas, histoire de mettre une distance entre lui et la fumée de la clope, et il remarqua que cet individu le toisait comme s’il inspectait un article dans un magasin. Non mais. Je voudrais un 8mm pour t’éclater la cervelle. Connard.

Il est des choses qui ne se disent pas.

- Et ton avis, je m’en fiche. Je suis libre : je dis ce qui me plaît.

Remarquant qu’il en avait un peu trop fait, il se ravisa et freina sa rage pour ne pas paraître suspect. Se détendre. C’est cela.

- Est-ce que tu, enfin vous, qu’importe, pourriez arrêter de fumer deux secondes ?

Un chat enterré quelques part dans les ordures, miaula. Aki détestait les chats. Il détestait la nuit, et le jour aussi. Pris en cours par cet inconnu désagréable et arrogant, ses pensées s’étaient volatilisées. Le néant à présent creusait une tombe dans son esprit. Il ne pensait à rien. Encore.

Décidément, les gens devenaient étranges en ce moment. Il se demandait si c'était le fait que la drogue avait augmentée, enfin si c'était le cas car Hyde ne prêtait jamais attention au prix, il n'avait pas besoin de cela. Cette homme semblait enragé, mais enragé à vie. Il accéda à sa demande et écrasa sa cigarette au sol.

-C'est bon, vous êtes calmé? demanda un Hyde des plus ironique sachant bien qu'il aurait du mal à calmer un homme de ce caractère. Vous êtes un peu trop sur la défensive à mon goût et je me fiche que vous vous fichiez de cela, je le dis, c'est tout.

Il valait mieux anticiper les remarques de ce genre. Il perça le regard vide de l'inconnu sans pourtant y chercher quelque chose. Il paraîtrait que les pensées vide l'homme envahissait le cerveau de Hyde.

Le chuintement que fit la cigarette en s’étouffant sous la semelle de L’inconnu le calma, bizarrement. Il avait appréhendé un refus de sa part, arrogant qu’il était, mais il s’était plié à sa convoitise sans ressentiment présent. Qui était-il ?

- Qui êtes-vous ? Demanda-t-il, changeant carrément de sujet. Car il savait que s’ils continuaient ainsi à se lancer des piques, ça n’allait pas finir de sitôt.

Parce qu’il voulait en finir.
Pourquoi ? Ou irait-il après ? Avait-il un rendez-vous, une idée fixe, un dessin qui expliqua ses déambulations nocturnes ?
Non.

Une douce brise caressa son dos et il se rendit compte qu’il était en sueur. Instinctivement, il saisit le col de sa chemise et le décolla un tantinet de sa nuque afin de laisser l’air froid l’apaiser. Cela lui fit du bien.

- Je m’appelle Aki. En d’autres termes … Il savait que ce qu’il disait était risiblement pathétique, il savait qu’il s’abaisserait devant ce Junky, mais c’était la vérité, qu’était-t-il après tout ? … personne.

Ses doigts agrippèrent plus férocement le col de sa chemise et quelques mèches noir avec. Les battements de son cœur montaient crescendo, ses tempes vibraient énergiquement et la danse folle de ses nerfs l’épuisait. Il avait du mal à se tenir debout, rester concentré, l’inconnu le regardait toujours, apparemment amusé – ou intéressé- par son malaise. Il soupira.

Il colla sa main à son front. Il était brûlant. Ce n’était que la genèse de la nuit.

-Je suis Hyde.

Les paroles de cette inconnu sonnait comme un vacarme des plus stridents qui donnait mal au crâne à Hyde.

-Et vous êtes personne c'est ça?

Hyde se trouvait déconcerté par cette personne qui se rabaissait plus bas que terre alors qu'il venait auparavant de lui parler d'un ton hargneux. Peut-être que ce genre de personne avait l'habitude de s'exprimer ainsi. Cette dernière pensée lui fit s'esquisser un léger sourire qu'il tenta tant bien que mal à dissimuler. Hyde pû sentir la gêne qu'avait ce Aki face à lui, était-il en manque de drogue? La lune éclairait son visage en sueur et quand il se toucha le front, il ne pû qu'affirmer l'hypothèse d'Hyde.

-Avez-vous besoin d'aide?

Il ne proposa pas cela par bonté mais tant qu'à faire... De toute façon, il s'ennuyait...

Le malaise un peu apaisé, Aki reçu le nom de son vis-à-vis et l’ancra bien dans sa mémoire –qui sait, il en aurait peut être besoin un jour- Le vent doux et frais lui faisait un bien fou, il renversa sa tête pour mieux apprécier le contact de l’air sur sa peau brûlante. Dernièrement, sa santé lui faisait défaut, il fallait qui se contrôle.

Ses mèches d’ébène voltigeaient et sa chemise flottait sur ses omoplates. Hyde, c’est ça.

-Et vous êtes quelqu’un, vous ? Fit-il, mi narquois, mi sceptique. Non, il était impossible qu’il soit quand même le propriétaire d’Opium Industrie.

Cela dit, il se demanda de la raison pour laquelle ce Hyde voulait l’aborder, si raison y avait-il bien sur, car hormis les hallebardes qu’il lui lançait, il ne montrait cette gentillesse ou cette ouverture d’esprit que les personnes adoptent pour s’aborder. Que voulait-il à la fin ?

- Et non, je n’ai pas besoin d’aide, repris-t-il, ses babines s’étirant dans un sourire qui se voulait agréable. Pourquoi croyez-vous que j’en ai besoin ?

Il s’avança un peu vers lui, et la distance qu’il coupa effaça toute pénombre qui voilait le visage de Hyde. Il contempla un moment son sourire moqueur mais n’en formalisa pas, puis ses pupilles dérivèrent vers les siens. Il fixa ces deux iris chocolat en essayant d'y lire les non-dits.

Hyde sortit son paquet de cigarette mais se souvint soudainement que ce Aki n'aimait pas ça. Il fit une mine blasée et le rangea dans sa poche. Le vent était assez frais et faisait frissonner le corps d'Hyde. Il n'avait pas chaud alors cela ne lui faisait aucun bien.

-Bien sur que je suis quelqu'un! fit-il tout en imitant la mine narquoise qu'Aki avait daigné faire apparaître sur son visage tout en prenant le soin de ne pas en divulguer plus.

Hyde ne savait pas réellement quoi faire, lui qui avait juste voulu voir de plus près cette personne, sans pour autant l'aborder. Il avait juste répondu à ce rejet craché par cette bouche faite de rictus. Hyde, un sourire en coin, se gratta les cheveux. Il n'avait pas envie d'être gracieux, élégant, tout ce que vous voulez devant lui. Il avait le don de l'énerver mais ne le montra cependant pas. Il laissa faire cette homme. Il le laissa s'approcher de lui et examiner ses yeux. Afin de profiter pleinement de cette échange, Hyde envoya clairement un défi aux yeux d'Aki. Lequel? Il ne savait pas mais il se prit soudain un intérêt à voir les réaction de cette énergumène qui démarrait au quart de tour.

-Parce que vous me faite penser à chien enragé...

Aki détourna le regard, lassé. Une conversation sans goût, inintéressante. Il détestait ce genre d’hommes, ceux qui n’ont rien à faire. Ceux qui se croient supérieurs et que cette arrogance gratuite ne rend que ridicule leur image. Et puis quoi encore. Il n’allait quand même pas y passer la nuit. Car il avait d’autres chats à fouetter. Il soupira, résigné à mettre un terme à cet échange de futilités. Et qu’il en soit ainsi

- Le mieux pour vous serait de rester du « chien enragé » que je suis. Compris?

Il aurait voulu que son ton soit plus ferme, tant pis, ses yeux contemplèrent encore ceux défiants de Hyde. Il n’était pas un bon petit toutou, en effet, mais Aki espéra qu’il garda ses distances au moins le temps qu’il s’éloigne.

Il senti que la lune avait observé leur tête-à-tête, ronde comme un ventre rassasié. Il tourna les talons et s’engouffra dans les ténèbres, peu soucieux de la réaction de son vis-à-vis. Qu’il fasse ce qu’il saurait faire. Advienne que pourra.

Hyde laissa l'homme parler. Son ton et ses manières étaient bien plus qu'agaçant. Il ne faisait que le fixer et l'idée de rester avec l'image de ce chien enragé ne le dérangeait pour le moindre du monde. Il fixait le turbulent tout en sortant son paquet de cigarette. Il savait ce qu'il adviendrait de la suite alors il se permit. Il voyait l'homme s'éloigner alors qu'il s'alluma sa clope. Cependant, il espérait qu'ils allaient se revoir mais dans d'autres circonstances. A cette pensée, un sourire sadique illumina son sombre visage. Il se remit à marcher.