L'ennuie rend Junkie [Hazuki]

Derrière le comptoir sur lequel il était lascivement affalé, Toshiya contemplait le plus magnifique des spectacles de la nature : une pluie torrentielle, accompagné d'un vent d'une puissance à déraciner les arbres. Sa tête posée négligemment sur ses deux bras croisés, son dos légèrement cambré pour s'assurer un équilibre, il soupira. L'averse avait commencé très tôt ce matin, et s'était rapidement transformée en un véritable déluge. Il était maintenant près de midi, et il n'avait pas vu passer un chat depuis huit heure ce matin. A croire que le temps avait dissuadé non seulement les personnes âgées qui venaient quotidiennement se ravitailler en médicament, mais aussi les jeunes inconscients qui ne faisaient pas attention à leur santé.

* Ou alors ils sont tous à l'hôpital... J'aurais mieux fait d'y aller aujourd'hui, et d'échanger mon tour avec mon collègue... Cela m'aurait évité un tel ennui. *

Nous étions samedi matin, et ordinairement, il y avait foule ce jour là. Toshiya se devait d'être présent le plus souvent possible à l'hôpital, mais il lui arrivait de venir donner un coup de main à Juka au centre de ravitaillement. Chirurgien de métier, il était particulièrement calé sur les médicaments, ce qui expliquait sa présence à la pharmacie. Utile à tous, il n'en perdait bien sûr pas de vue sa mission première : tenter de récolter le maximum d'informations sur le camp ennemi. Car, bien qu'il feigne la gentillesse et la serviabilité, il avait les rebelles en horreur.

* Enfin, voyons le côté positif : au moins, pour cette fois, je n'aurais pas à faire semblant. Je suis seul, prenons cela comme un jour de congé inespéré. *

Il ferma doucement les yeux, prêt à s'endormir. Agréablement bercé par le claquements des gouttes s'abattant sur les vitres, il fut soudain tiré de sa torpeur par la sonnerie du carillon accroché au dessus de la porte d'entré. Mais qui pouvait bien venir le déranger dans un moment pareil, alors qu'il tentait tout juste de se reposer ? Gêné de son incorrecte position, il se redressa, rajusta sa blouse blanche, avant d'affronter le nouvel arrivant.

A l'instant où il s'approcha du comptoir, Toshiya, remit de sa surprise, entreprit une analyse rapide du personnage. Il était grand, sombre, détrempé par la pluie. Il était si couvert que la seule partie visible de son corps était son visage. Enfin, l'on aurait plutôt dû dire la moitié, tant la masse de cheveux qui recouvrait son crâne était drue. Une frange épaisse en cachait une grande partie, et d'élégantes ondulations châtains dégoulinaient d'eau de pluie, sillonnant sa peau d'une étonnante blancheur. Qui plus était, une paire de lunettes de soleil dissimulait ses yeux. Était-ce naturel ou l'individu souffrait-il d'un quelconque mal ? A y regarder de plus près, il semblait tendu, et son visage était crispé. Sa façon de se tenir, alors qu'il posait une main sur le comptoir, révélait une douleur palpable. Un tic nerveux secouait ses épaules par instants, comme s'il cherchait inconsciemment à en extraire tout ressenti. En bon observateur qu'il était, le chirurgien devina une douleur au dos ou au bras, en tout cas quelque chose qui touchait le haut du corps de l'individu. Alors que ce dernier prenait la parole, prononçant avec dureté la raison de sa visite, Toshiya eut un mouvement de recul. Le ton était abrupt, presque exigent, et le chirurgien avait en horreur cette forme d'impolitesse. Il dénota également l'absence du mot magique, et s'en trouva doublement offusqué. Loin de se démonter, il répliqua amèrement :

_ Quelle genre de douleur ressentez-vous ? J'ai besoin de plus amples détails pour satisfaire au mieux votre demande.

Et toc. Il accompagna sa remarque glaciale d'un sourire cent pour cent ironique, faisant clairement comprendre à son client que sa manière de faire lui déplaisait fortement.

Toshiya, conscient de l'exaspération profonde de son client, sourit plus encore alors que ce dernier répliquait violemment, lui crachant presque à la figure les quelques paroles censées – vraisemblablement - le choquer. Loin de se démonter sous l'impertinence du chirurgien, l'autre n'en devenait que plus irritable, mais cela n'avait rien d'étonnant. Alors qu'il eut exposé les raisons de sa visite, Toshiya l'observait tranquillement tandis qu'il ôtait l'imposante veste dont il était fardé. Le jeune homme eut alors tous le loisir de constater, à la vue des multiples armes fixées le long du corps de son client, que la première impression qu'il avait eut en le voyant arriver se révélait exacte. Il n'eut qu'à attendre que l'homme lui balance une nouvelle réplique pour en être totalement sûr.

* Ainsi, vous n'êtes pas d'ici, ne ? Comme cette situation est risible ! *

Mais Toshiya se retint de rire, car il ne savait pas s'il pouvait se permettre de révéler sa véritable identité à ce colérique junkie. Il préféra donc attendre de voir si cette confidence s'imposerait d'elle-même, ou s'il pourrait y échapper.

Il cessa de sourire, alors qu'il contemplait l'entièreté du corps de l'inconnu. Ne laissant paraître le moins du monde le fil de ses pensées, il ne put s'empêcher de se dire que l'autre était particulièrement attirant. Il était doté d'une enveloppe charnelle qu'il avait sût façonner à son image : dure, puissante, et effrayante. Bien qu'il ne soit pas bien épais, le peu de ce qu'il possédait était particulièrement bien entretenu et soigné. Les tatouages qu'il arborait, s'accordant parfaitement à la courbure de ses bras finement musclés, laissèrent Toshiya sans voix. Ce dernier ne jurait que par l'Art, sous toutes ses formes, et le style de dessin qu'avait choisi le junkie était vraiment magnifique. Sortant de sa torpeur, qui n'avait duré qu'une poignée de secondes, le chirurgien contourna le comptoir sans mot dire avant de venir se placer à la hauteur de son client. De là, il pu enfin constater l'ampleur des dégâts, jusque ici occultée par sa fascination momentanée. L'épaule gauche était, en effet, fortement amochée. La chair se trouvait rosée par endroits, rouge vive à d'autres, fruit d'une tentative de désinfection partiellement ratée. Toshiya devina, à l'odeur que véhiculait sa peau, quelle était la substance utilisée par son client pour tenter de se soigner. Mais il n'émit aucune remarque, préférant continuer son examen visuel. La peau demeurait déchirée, salement mutilée, à l'endroit où le couteau avait œuvré. Fort heureusement, aucun tatouage n'avait été abîmé, le coup se situant bien au delà de ces derniers. Le résultat était quand même d'une laideur et d'une profondeur repoussante. Désirant tester la flexibilité du tissus épidermique – et en même temps, la douleur ressentie – Toshiya récupéra les gants en latex qu'il gardait dans la poche de sa blouse en permanence, et les enfila. Il pu ainsi, en toute impunité, laisser courir ses doigts le long de la blessure, en évitant bien sûr de trop appuyer – il préférait éviter de se faire descendre par l'autre, qui n'en menait pas large face à ce supplice volontaire, ce qui devait probablement attiser sa colère. L'examen achevé, il reprit enfin la parole, tout en demeurant immobile, ancrant ses orbes noires dans celles de son interlocuteur :

_ Vous savez qu'au stade où vous en êtes, vous devriez aller à l'hôpital ?

Il n'attendit cependant aucune réponse à sa question, et enchaîna :

_ Évidemment, j'ai ce qu'il vous faut. Il faut juste que je parvienne à remettre la main dessus. Mais, si vous me le permettez, je souhaiterais pouvoir vous soigner convenablement avant que vous ne repartiez. Cela vous pose t-il un problème ?

Toute trace d'une quelconque esquisse de sourire avait déserté ses lèvres. Toshiya était parfaitement sérieux, et réellement soucieux de l'état de santé de son client. Leur promiscuité ne faisait qu'attiser ce sentiment du devoir à accomplir, qu'il tentait de dissimuler. Il attendit cependant, que l'autre daigne s'exprimer avant de faire quoi que ce soit.

Toshiya acquiesça à la demande expresse de tutoiement, tout en se dirigeant d'instinct vers l'arrière boutique. Vu la blessure, il faudrait recoudre, et ses compétences de chirurgien ne seraient pas de trop, même si la tâche s'avérerait facile. Tout en invitant d'un geste son client à prendre place sur un lit d'infirmerie, le grand brun s'éclipsa dans le dédales des rayons, partant en quête de ce dont il aurait besoin pour le soigner. Alors qu'il revenait avec une boîte de calmant, et qu'il farfouillait dans les nombreux tiroirs d'une armoire vitrée à la recherche d'une aiguille, de fil et de compresses, la voix de l'autre s'éleva, émettant un simple constat.

_ Mes tatouages te plaisent, j'ai vu comment tu les a regardés. Ça fait plaisir de voir qu'on apprécie mes dessins.

Remarque à laquelle Toshiya ne répondit qu'en plongeant ses orbes noires dans celles de son interlocuteur. Elles n'exprimèrent rien d'autre qu'une sincère surprise, et aussi une certaine gêne, sachant qu'il se sentait démasqué. Les détournant hâtivement, le chirurgien s'empressa de rassembler le reste - des ustensiles en inox et un vaporisateur de solution stérile - et de tout déposer sur une petite table roulante qu'il approcha du patient.

_ Si je puis me permettre... Quel est ton nom ?

La remarque du junkie fit doucement rire Toshiya. Ses épaules tressautèrent légèrement, sous l'éclat d'euphorie malsaine qu'il ressentait. Devait-il parler, ou bien se taire ? Était-il prudent d'avouer à un inconnu la vérité le concernant ? Écartant cette pensée dérangeante, il se contenta de dire :

_ Je peux t'appeler Tatsuya, alors ? Tu me rappelle cet homme que j'ai connu il y a longtemps.

Le chirurgien marqua un temps de pause, plongé dans de vieux souvenirs enfouis datant de ses études de médecines.

_ Concernant tes tatouages, je les regarde parce qu'ils sont beaux. Je les trouve... fascinants.

Il accompagna sa remarque d'une brève caresse sur l'avant-bras ancré du junkie, avant de poursuivre :

_ Je n'ai pas la moindre intention de te livrer à qui que ce soit, bien au contraire. Je ne suis pas là pour te nuire.

Après quoi, il se terra de nouveau dans un mutisme calculé, afin de se concentrer sur la tâche qu'il avait à accomplir. Il sortit un calmant de l'une des boîtes qu'il avait apporté, et le mit dans un verre d'eau qu'il tendit à son client - libre à lui de le boire, ou non. Soucieux de l'hygiène, il préféra changer de gants, même si ceux qu'il portait étaient quasiment neufs. Il commença alors par désinfecter la plaie. Muni d'une compresse stérile sur laquelle il prit soin d'appliquer un antiseptique puissant, il tamponna doucement les contours de la blessure béante, annihilant ainsi les dernières traces de sang séché. Surveillant du coin de l’œil la réaction de l'homme, Toshiya reposa la compresse usagée, puis déchira le sachet qui contenait l'aiguille qui allait lui servir à recoudre la blessure. Il calcula rapidement la longueur de fil qui lui serait nécessaire, puis laissa le matériel de côté un instant. Malgré le calmant qu'il avait donné à son client, la douleur nécessitait peut être une piqûre... Mais il lui fallait son autorisation avant de la faire. Il lui fit donc la demande :

_ J'ignore jusqu'à quel point tu es capable de supporter ce que je vais faire. Et tu m'as l'air... plutôt faible, sans vouloir t'offenser. Est-ce que je peux me permettre d'endormir la zone touchée ? Je te préviens d'avance, la piqûre en elle-même ne va pas être une partie de plaisir... Mais, au moins, tu ne sentiras plus rien quand je vais recoudre.

Sujet mis en attente,
il vous suffit de me spécifier le lieu où se déroule le RP en m'envoyant un MP pour qu'il soit remit à sa place.

Merci !