Entre nos mains - Le Futur? [Jun]

Daisuke, adossé au lit. Daisuke, ses pupilles rétractées braquées sur le vide. Daisuke, les mains mollement posées sur ses cuisses maigres. Daisuke, le visage maculé de larmes qu'il ne sentait plus. A ses côtés, deux bouteilles vides. A la saignée de son bras, une mince ligne écarlate en gouttes sombres. Il eut un sourire en pensant au temps qu'il lui avait fallu pour trouver la came et les seringues. Un sanglot rauque le prit à la gorge quand le souvenir de la femme qu'il avait tué lui remonta en mémoire. Il lui avait éclaté le crâne contre les lavabos des chiottes publiques pour lui piquer son matos, à cette salope. Il se mit maladroitement en quête de quelque chose à boire, bousculant sur son passage le rangement qu'ils avaient fait il y a presque trois jours. Sous sa main, un papier froissé, mouillé d'alcool et de larme. Un numéro. Celui de Jun.

"Menteur... Menteur..."

Litanie incessante d'entre ses lèvres asséchées. Lorsque Mika était partie, il se sentait bien. Jun allait revenir. Une allégresse réconfortante s'emparait de ses sens alors qu'il attendait impatiemment le retour de son ami. Qui ne vint pas.
Tordu par la souffrance dans ses draps propres, l'âme aussi vide que le ciel obscur dans lequel il plongeait ses yeux effarés, Daisuke croyait mourir. Il n'y avait pas d'étoile - Pas l'ombre d'un espoir. Les boîtes de médicaments étaient vides. Le poids de l'absence et de la trahison lui écartelait le coeur.
Il ne cherchait plus d'excuses à Jun. C'était un fait. Il l'avait abandonné.
Daisuke s'effondra sur le sol et griffant la peau déjà meurtrie de son torse - Il était redevenue Die. La mâchoire crispée par la rage et la honte, il ne retint pas ses hurlements vindicatifs, auxquel se mêlaient des larmes amères.

"Qu'est ce que je fous? Qu'est ce que je fous, bordel? Pourquoi j'suis pas capable... De rester seul... Sans en crever? Pourquoi? T'es qu'un menteur Jun... T'es qu'un putain de menteur..."

Daisuke avait entendu Jun rentrer, mais n'avait même pas voulu lever les yeux vers lui. De même, lorsque son ami se saisit de lui pour le plaquer contre le mur, il se laissa faire. Mais la gifle... Et surtout les mots qu'il lui cracha au visage, si plein de rancoeur et de rage, provoquèrent en lui une incommensurable douleur. Partagé entre la honte et la colère, il avait contenu ses émotions. Mais là... Jun repétait les mots qu'il s'était hurlé à lui-même pendant si longtemps, et penser que Jun avait la même opinion que lui à son sujet lui donna la nausée ; il se sentait terriblement mal, tiraillé entre deux émotions. La déception de Jun, si visible dans ses yeux plissés par la colère, le fit réagir aussitôt.
Il le repoussa violemment, à présent bien sorti de son état vaseux.

"Qu'est ce que tu crois, hein?" Criait-il en s'asseyant à califourchon sur Jun, trop aveuglé par la rage pour faire attention à ses réactions. "Qu'est ce que tu crois que j'ai pensé, moi? Bordel, Jun! J'suis peut-être qu'un gosse immature et irresponsable, mais je sais ce que c'est qu'une promesse! Si tu tiens pas les tiennes..." Sa voix se brisa bien malgré lui, mais il parvint à retenir ses larmes amères. "Comment veux-tu que j'arrive à tenir les miennes?"

En ce rapide instant, l'angoisse de ces deux jours remonta à la surface. Crispant les dents de rage, resserrant sa prise sur Jun, il lui envoya son poing dans la figure de toute sa force ; avant de le relever à la hauteur de son visage.

"J'ai essayé. Je te promets que j'ai essayé! Mais c'est pas en une nuit que 19 ans de vices vont s'évanouir comme par miracle! Même tes caresses, même tes baisers, même toute la confiance que tu m'accordes ne pourra rien pour m'aider si TOI tu n'es pas là! Si TOI tu me MENS!"

Après un moment d'égarement, il relâcha Jun et se leva pour balancer quelques coups de pieds dans les bouteilles qui jonchaient le sol ; puis il s'accroupit et prit sa tête entre ses mains.

"PUTAIN!"

La déception et la colère de Jun semblaient infinies, pourtant Daisuke n'arrivait pas à se calmer. Il semblait qu'à l'instar de sa confiance et de sa tendresse, Jun arrivait à lui communiquer toute sa rancoeur. Et dans l'effervescence de leurs émotions communes, Daisuke commençait à avoir peur. Peur de voir leur violence prendre des proportions exubérantes. Peur de le frapper à nouveau. Peur de le voir souffrir encore plus qu'en cet instant présent. Et les mots si durs qu'il lui jettait à la figure sonnaient comme des insultes. Cependant, il avait conscience d'avoir totalement déconné ; c'était peut-être la pire erreur de toute sa vie. Il n'avait tout simplement pas pensé que Jun faisait tout cela pour lui. Il s'était seulement laissé submerger par son étouffante solitude et ses doutes quant à l'avenir. Sa position, extrêmement inconfortable, lui donnait l'impression de ne pouvoir fuir ni son angoisse, ni la fureur de Jun. A nouveau, il se dégagea de son emprise, et lui attrapa le menton entre ses doigts. Il vit, deriière la rage de Jun à son égard, son incommensurable déception. Il s'était donné du mal, et tout ce que lui trouvait à faire, c'était de tout foutre en l'air.

"PUTAIN!" Pour la deuxième fois, il crachait sa rage envers lui-même, incapable de formuler les mots qui fusaient trop vite dans son esprit. De la confusion, du regret, de la rage, de la rancoeur... Tant de choses qu'il n'arrivait pas à contrôler et qui lui donnait l'impression de n'être qu'un pantin de chair manipulé par la haine. Et la drogue, aussi. Il ne savait que faire ; Jun méritait qu'il s'excuse, mais il se sentait tellement trahi encore qu'il ne pouvait prononcer de pardon. C'était immature et égoïste, il en était pertinnemment conscient. Alors seulement, il regarda vraiment Jun. Son visage qu'il tordait entre ses mains violemment crispées, ses yeux brillants de rage mal contenue, ses dents serrées... Ses yeux. Ses yeux qui l'accusaient. Le visage de Daisuke se détendit brusquement, il ouvrit la bouche mais demeurait muet, et ses yeux grands ouverts sur la douleur de Jun lui donnait un air stupéfait.
Ce qu'il ressentait de plus fort pour Jun, ce n'était ni de la haine, ni de l'amertume. Encore moins de la rancune. C'était de l'amour. Et ça, il avait faillit l'oublier.

Il lâcha Jun et se recula vivement, comme surpris par son propre comportement. Encore une des déformations que la drogue avait exercée sur lui...

"Je... Jun... Pardon. Pardon."

Il n'osait pas se rapprocher à nouveau de Jun, craignant même de croiser son regard. En cet instant, son coeur était froid.

"J'avais oublié, Jun. Pendant ton absence, j'ai oublié la confiance que tu m'accordais. J'ai oublié l'aide que tu m'avais promise. J'ai oublié à quel point je tenais à toi. J'ai oublié, Jun, parce que..." Il glissa sa main sur son torse, sous son vêtement, et suivi des doigts les cicatrices que Rui lui avait faites. "J'ai oublié parce que Die est profondément gravé en moi."

En titubant, il alla poser ses mains sur le minuscule plan de travail, tournant le dos à Jun. Il ne voulait pas voir encore sa déception. Il ne voulait plus voir son visage si beau déformé par la colère. D'une main, il saisit le pendentif et le porta devant ses yeux.

"J'avais oublié que tu avais laissé près de moi une partie de toi."

Il ne se sentait plus triste, à présent. Juste vide. Comme si toutes ces émotions avaient fini par exploser en ses mots vindicatifs et en sa violence envers Jun. Vide. Et persuadé que Jun pourrais le remplir à nouveau de ses sentiments si sincère. Pourvu qu'il lui pardonne...

Lorsque Jun s'approcha de lui, Daisuke se tendit. Lorsqu'il glissa ses mains sur la peau de son torse, il eut une furieuse envie de se dégager de cette étreinte. Mais les doigts de Jun, mais à cet endroit là, étaient douces. Il se décalla imperceptiblement pour accentuer le contact de leurs corps, et se détendit peu à peu. Jun lui en voulait encore, il en était certain. Il le méritait, à tous points de vues. Et malgré sa difficulté à accepter la douleur ou, mieux, à la combattre, il se retourna vers Jun et planta ses yeux sombres dans les siens. Il craignait de l'effrayer, mais plus que tout il craignait que Jun ne le rejette. Pourtant, il osa glisser sa main sur la joue de son ami et la caressa doucement. Il ne souriait pas, et son front était même barré d'une ride d'inquiétude. Comment avait-il pu oublier Jun? Il n'en avait aucune idée. La douleur tellement présente. L'absence de souvenirs réconfortants.

"Notre nuit de bonheur fut si courte... Que ma douleur l'a engloutie."

Il avait encore les yeux ternis par la colère passée, et se sentait incapable de s'excuser comme il le fallait. Il ne savait pas quels mots utiliser, à part ceux de son coeur meurtri. Il n'avait jamais eut envie d'être pardonné pour ses erreurs... Daisuke songea qu'il n'était finalement qu'un enfant dans un corps d'adulte. Un enfant qui avait besoin de quelqu'un qui puisse le gronder et le consoler, le frapper et l'étreindre.
Il aimait Jun. Et il avait envie de lui montrer. Mais comment faire? Les mots ne sont rien, surtout quand ils sont brisés par une trahison telle que celle-ci. Daisuke repoussa lentement Jun, et retira vivement son T-shirt. Sa peau, très pâle, était meurtrie à de multiples endroits -les plus marquantes étant les brûlures de cigarettes et le mot gravé, beaucoup plus récent. Il était aussi d'une maigreur presque effrayante, bien que ses muscles permettent à son corps de garder une certaine harmonie. Il remena Jun vers lui, et mit les mains de ce dernier sur les lettres pas totalement cicatrisées qui défiguraient son torse.

"Alors Jun... Ce fantôme... Tu dois m'aider à le chasser. Tu dois l'arracher à mon corps, Jun. Moi, j'ai déjà essayé, mais ça ne fonctionne pas."

Honteux, il désignait les griffures qui se superposaient aux lettres, provoquées par ses ongles ou des aiguilles dans des moments de fureur et d'agonie mentale. Daisuke laissait tomber ses cheveux devant son visage pour camoufler au mieux ses émotions qui revenaient maintenant en masse, et se retint de s'agripper à Jun de toutes ses forces. Il ne voulait pas tomber. Mais Jun semblait avoir autant besoin d'aide que lui. Il l'avait trahi, après tout... Et le jeune homme semblait prêt à en subir d'autres encore.

"Jun... Je t'aime. Même si je te fais du mal. Même si moi aussi je mens. Même si parfois je te dirais peut-être le contraire. Je t'aime."

Il se tut, mais ces mots brûlaient encore ses lèvres. Il aurait pu les répéter mille et mille fois. Il aurait pu le crier, les chuchoter, les caresser sur le corps de Jun. Mais plus encore, il avait envie d'aimer Jun. Il ne désirait que ça. Et il le ferait, même s'il devait en crever.

Daisuke ne put retenir un ricanement narquois en entendant la réponse de Jun. C'était la seule chose qu'il était capable de faire en cet instant ; jouer à l'indifférent.

"Tu crois vraiment que c'est si facile? Tu crois que si j'avais été capable de me passer de Die, j'aurais continué à vivre comme ça pendant si longtemps?"

Il n'avait pas crié, n'avait pas élevé le ton. Il avait parlé d'une façon étrangement monocorde, comme s'il s'était déjà répété ces mots intérieurement comme une excuse pour ses actes. Il crispa ses mains sur les épaules de Jun, mais releva son visage vers ce dernier.

"Tu vois? Tu vois les conneries qu'un junkie est capable de dire pour éviter de souffrir? Est-ce que tu imagines, Jun... Ce que ça doit faire de morfler pendant 19 ans et de s'entendre dire "Accepte cette douleur, elle fait partie de toi" ? Je ne suis pas comme toi... Je ne peux ni me tuer, ni me relever."

Il osa un pâle sourire, et pressa doucement la peau de Jun pour s'excuser de l'avoir meurtrie. Enfin, il affronta le regard de son ami, avec un air de défi malgré son peu d'assurance.

"C'est pour ça que j'ai besoin de toi. Pour que tu me relèves. Pour que tu me dises encore et encore à quel point c'est bon d'être en vie. J'espère seulement être capable de t'aider aussi. Sinon, que pourrais-je t'apporter, à part déception et peine?"

Daisuke aurait pu répliquer aux coups de Jun. Il aurait pu se relever, le frapper à nouveau, hurler la haine et la rage qui l'habitaient. Il aurait pu cracher à ce visage qui lui faisait face, à ses pupilles pleines de colère ; il aurait pu prendre la violence à contre-courant et s'enfuir, aussi.
Il ne fit rien. Il laissa Jun le maltraiter et accueillait chaque coup comme une preuve de l'attachement de Jun à son cadavre inanimé. Sans un mot, fasciné seulement par les propos du rebelle, il sentait quelque chose en lui se tordre et ses briser.
Les larmes lui vinrent aux yeux quand il cru qu'il était en train de mourir ; les rapides étreintes de Jun n'étaient rien d'autre que des pardons entre chaque pierres lancées. Il se faisait lapider mais ne souriait ni ne pleurait ; ses yeux sombres rivés sur la silhouette de Jun se démenant contre lui, il ne voyait plus que les émotions intenses qui passaient sur sa figure. Il ne perçut pas la totalité des mots de Jun. Trop bouleversé pour parvenir à se concentrer sur les paroles, il s'impliquait dans les coups et les laissaient venir à lui ; c'était des baisers violents sur son corps meurtri par l'indifférence, des marques d'attention gravées en hématomes bleuâtre sur sa peau trop pâle. Des caresses furtives mais mortelle sur sa carcasse abandonnée à la mort.
Egoïste.
Egoïste, égoïste, il l'était. Parce que son existence misérable était la seule chose qu'il possédait, et il y tenait. Seulement, la seule manière qu'il connaissait pour prouver son amour était la violence qu'il s'ingligeait à lui-même, le déni de ses émotions, l'attirance vers la douleur, la lente décomposition dans les méandres de la drogue. Et il se noyait, et Jun plongeait dans l'eau morbide de sa réalité pour l'en tirer.
Il suffoquait, hors de l'eau. Il avait froid. Nu dans le vent glacial de sa conscience, il aurait replongé aussitôt si les bras de Jun ne l'avaient étreint pour lui communiquer leur chaleur. Mais Jun était parti, le laissant tremblant et troublé dans un monde trop rude ; il avait replongé en se délectant des faussement tendres caresses de l'eau empoisonnée.
Il avait eut tord. Jun replongeait encore, et Daisuke savait que cette eau qui le laissait indifférent rendait Jun terriblement triste. Sali. Meurtri. Il n'arrivait pas à comprendre que c'était de sa faute, pas plus qu'il ne concevait le fait que se noyer n'était pas l'unique solution. Il pouvait apprendre à nager, peut-être. Et sortir de l'eau, devenir un homme, rechauffer Jun à son tour.
Lorsque Jun lui offrit ce terrible baiser, la chose qui grouillait se fendit et mouru en un râle qui franchit ses propres lèvres ; il mordit les lèvres de Jun et plongea ses mains froides dans ses cheveux, les tirant au passage pour l'emmener plus près de lui. Plus près encore. Il se sentit l'envie de manger Jun pour le garder toujours en lui, se contenta de nouer ses maigres jambes autour de celle du rebelle, de s'abandonner à son étreinte désespérée et pourtant indéniablement salvatrice.
Néanmoins, Daisuke repoussa Jun. Il se pencha sur le côté et, ses épaules agitées de soubresauts incontrôlable, vomi. Vomi. Ce qu'il avait dans les tripes, sa bile nauséabondes, ces choses qu'il voulait oublier et qui le dévorait de l'intérieur. La chose qui agonisait dans son ventre devait à présent être là, gisant au milieu de ses souvenirs méphitiques. Sa main n'avait pas lâché les cheveux de Jun.

"Elle est presque morte, maintenant...Elle est presque morte, Jun. Ma mort. Je la déteste. Die gît."

Die s'était fêlé et une partie de lui se décomposait dans la bile. Daisuke ne sentait plus son ventre se tordre, mais sa bouche lui brûlait et les nausées l'avait fait pâlir et pleurer. Il regarda Jun, du plus profond de son âme, et sa voix bredouillante jailli d'entre des lèvres asséchées.

"Je te vois, Jun." Sa main glissa depuis ses cheveux jusqu'à sa joue. Jun était peut-être en colère, peut-être qu'il avait peur, aussi. Ce n'était pas cela que Daisuke voyait. Ce qu'il voyait, c'était la main tendue et l'espoir toujours présent. "Je te vois." C'était le profond respect qu'il avait pour Jun, et son attachement irrémédiable au rebelle.

Il était toujours faible, comme un nouveau-né qui pleure pour respirer ; l'air dans ses poumons et la vie dans ses veines était la plus atroce des tortures. Jun lui apprendrait à marcher.

"Je veux vivre. Je le veux. Je ne m'étais simplement pas rendu compte que je n'étais pas en vie. Ou plutôt, que j'étais en train de mourir. Je croyais que la vie, c'était Die et son horrible souffrance. Je croyais que la délivrance que tu m'offrais était celle du repos et de la mort. Je croyais qu'il suffirait de t'embrasser pour devenir quelqu'un d'autre. Je croyais que... Que sans toi, Daisuke n'était qu'une chimère."

Il dégluti difficilement et attira Jun à lui avec force, ne laissant pas au rebelle la possibilité de s'enfuir. Il s'était rassit correctement et ses yeux brillaient de résolution alors qu'il déposait Jun sur ses genoux.

"Tes baisers sont des mains tendues vers moi et des caresses pour mon esprit troublé, Jun. Et tes coups sont pareils à tes baisers. Embrasse-moi encore, ou frappe-moi jusqu'à me tuer."

Daisuke s'inquiéta un instant lorsque Jun se libéra de son étreinte pour disparaitre dans la minuscule salle de bain. Il fut aussitôt rassuré en le voyant revenir avec des produits d'entretien, mais n'osa néanmoins se lever pour l'aider. Assit par terre, ses mains fermement posées sur le sol, il se sentait en sécurité. La présence de Jun s'affairant autour de lui insufflait en son âme une stabilité toute nouvelle, et il craignait que cette sensation ne parte s'il tentait de se mettre debout. Alors, il se contenta de regarder le rebelle nettoyer et jeter les derniers vestiges de sa déchéance, souriant faiblement à cette vue, et priant silencieusement pour qu'une telle chose ne se reproduise jamais. En cet instant, il se sentait capable de tenir le coup, et même de profiter de ce repis que Jun lui offrait. Mais il se savait lunatique et particulièrement sensible à la douleur ; il avait prit l'habitude de fuir le malheur en s'immergeant dans la drogue, ferait-il de même pour fuir le bonheur? Les doutes se faisaient de plus en plus insistants à mesure que sa vie prenait une ampleur de plus en plus grande. Sa vie.
Lorsque Jun sorti pour revenir avec une valise, il ouvrit de grands yeux stupéfaits. Les mots du rebelle qu'il avait pris pour une menace prirent un tout autre sens avec sa question banale mais étrangement rassurante. Daisuke, encore abasourdi par le tour que prenait leur discussion auparavant houleuse, se contenta de désigner d'un geste vague l'entièreté de son vétuste appartement. Il possédait tellement peu de choses que Jun pouvait bien s'installer où il voulait.
Il trouva le courage de se lever en son soudain désir de toucher Jun. D'un pas mal assuré, il s'approcha de lui et saisit sa tête entre ses deux mains avant de poser un rapide baiser sur ses lèvres. Après quoi, il décida de changer les draps, et mit les anciens dans un coin de la salle de bain avant d'en mettre des propres. Le lit, c'était très important.
Il se tourna à nouveau vers Jun, et chercha un instant ses mots. Il n'était pas très sûr de savoir quelle chose dire en premier.

"Jun... Je... Tu peux mettre tout où tu veux. Je n'ai pas vraiment de penderie pour les vêtements, mais il y a assez de place dans la commode. Je n'ai pas non plus de lecteur CD, juste une platine pour mes disques. Et tes livres... Je pourrais les lire?"

Daisuke s'était forgé la réputation d'un junkie analphabète et peu cultivé, mais en réalité il aimait beaucoup lire - Même s'il n'avait jamais eu beaucoup de livres en sa possession. Aussi avait-il hâte de voir ce que Jun aimait lire, et de pouvoir se plonger dans ses ouvrages à son tour.

"Je suis désolé Jun", continua-t-il en s'accroupissant devant la valise ouverte. "Je sais que je fais que des bêtises, et que je me repose trop sur toi. C'est juste que j'ai peur. Mais maintenant que tu vas rester là, je suis seulement heureux."

Oui, c'était une chose étrange que le bonheur. Il se sentait toujours craintif face à l'avenir, et les désagréments de son mode de vie étaient toujours présents. Pourtant, le simple fait de les partager avec Jun les rendaient moins pénibles. Il espérait seulement que Jun ne s'attarde pas sur ces détails relativement primordiaux.

"Je n'ai pas non plus de machine à laver le linge. Ni la vaisselle, d'ailleurs. Et le four ne fonctionne pas, y'a que le micro-onde. Je sais pas vraiment faire à manger non plus. Seulement les pâtes et les oeufs sur le plat, ou les nouilles chinoises. Tu vas pas être très bien, ici. Il fait froid en plus."

Daisuke regardait avec un plaisir non-dissimulé Jun ranger ses affaires un peu partout dans l'appartement. C'était étrange, de voir une personne investir son espace personnel ; étrange mais délicieusement réconfortant. Il espérait que Jun puisse considérer cet appartement comme étant le sien. Mieux, comme étant le leur. Il savait que Jun lui avait pardonné, mais sentait aussi qu'il était toujours touché par sa rechute. Daisuke n'était pas rancunier pour un sou, et avait tendance à passer très rapidement d'un état d'esprit à un autre, il avait déjà oublié sa colère et le sentiment d'être trahi qu'il avait vis-à-vis de Jun ; mais ce dernier semblait plus enclin à conserver ses ressentiments pendant un moment. Pourtant, Daisuke ne se formalisait pas des doutes que le rebelle pourrait avoir à son sujet, et se concentrait sur le moment présent. Et le moment présent, c'était Jun qui évoquait le fait qu'il puisse aller au Sanctuaire, pour lire qui plus est ; Jun qui projettait d'améliorer leur cadre de vie ; Jun qui s'installait en face de lui pour lui offrir un baiser... Riche en émotions.
C'était indéniable, Daisuke était heureux. La promesse de Jun, de l'embrasser encore et encore selon ses propres termes, lui mit du baume au coeur. Et plus encore, les battements de ce dernier s'accelérèrent quand il réalisa à quel point le baiser de Jun avait été plein de désir. A son tour, il noua ses mains dans le dos de Jun, et en profita pour lui caresser les côtes au passage. Il aimait bien cet endroit d'où il pouvait sentir sous sa paume les pulsations du coeur de Jun... Il enfouit un moment sa tête dans le cou de Jun et se délecta de l'odeur qui s'en dégageait. Cela lui donnait l'impression d'être une sorte de pervers, mais c'était bien trop agréable pour qu'il s'en dispense. Puis, s'asseyant plus confortablement, il fit en sorte que Jun soit à califourchon sur ses cuisses, et embrassa furieusement ses lèvres ; il souleva son T-shirt et lui agrippa les hanches, apréciant leur finesse et la douce chaleur de sa peau.

"Vraiment, Jun... Je ne pourrais jamais me passer de toi."

Le baiser n'avait été brisé que quelques secondes, mais Daisuke reprit immédiatement possession de ses lèvres et fit glisser ses doigts le long du dos de Jun. Il n'avait jamais connu pareille sensation. L'impression que Jun s'abandonnait à ses bras, et les désirs qu'il pouvait assouvir, tout cela lui paraissait irréel. Plus encore, le simple fait de ressentir du désir le troublait. Il avait envie de toucher le corps ne Jun sans être capable de comprendre pourquoi, ni comment cela pourrait-il être agréable.
Il ne concevait même pas l'idée de coucher avec Jun. Pour lui, baiser était quelque chose d'exclusivement insupportable et douloureux.
En cet instant, il avait simplement envie de garder Jun tout contre lui, de ne jamais le quitter des yeux, et de partager avec lui toutes les émotions qu'il ressentait. Il rompit à nouveau le baiser, et souffla à l'oreille de Jun:

"Je me sens vivant quand tu m'embrasses. Je me sens vivant quand tu es dans mes bras. Je me sens vivant."

Il n'avait plus froid, à présent.

Daisuke se sentait bien, mais le malaise revenait -ou persistait. Les médicaments ne faisaient plus effet depuis un moment, et depuis qu'il avait vomi, il sentait le manque revenir. Ca allait être atroce, il le savait. Mais il tenait Jun entre ses bras, et ses doigts sur sa peau s'y accrochaient de toute leur force. Sa tête nichée dans le cou de Jun, il s'emplissait de l'odeur du plus jeune, s'y immergeait mentalement, fuyant la lancinante supplique de son esprit. Il descendit ses mains jusqu'aux reins du rebelle, et glissa ses doigt juste sous la lisière de son pantalon -De sa bouche il caressa son cou et se concentra sur ses battements de coeur, tout contre sa poitrine. Il avait malgré tout mal au ventre, à la tête, et il se sentait perdre peu à peu le contrôle de ses gestes ; il ne pouvait que s'agripper à Jun en espérant ne pas se noyer dans la souffrance.
Une crise de manque, ce n'est pas seulement avoir mal et désirer quelque chose que l'on a pas. Une crise de manque, c'est devenir fou de douleur, se tordre de souffrance en hurlant que les crampes s'arrêtent, que la torture cesse, que l'héroïne tombe du ciel comme une mane sacrée ; c'est être prêt à tout pour obtenir une dose. Ou même un unique rail. N'importe quoi, tant que le feu destructeur s'évanouisse... A la seule idée que Jun le voit dans cet état, à la seule hypothèse qu'il puisse le frapper pour s'enfuir dans les rues, Daisuke avait la nausée.
Alors il se concentrait sur le souffle désordonné de Jun, sur sa chaleur qui l'entourait agréablement, sur la douceur de ses doigts. Sur son odeur, merveilleusement réconfortante. Sur son corps tout entier, vivant sous ses mains, abandonné à son étreinte. Sur l'amour absurde et absolue qu'il vouait au rebelle. Sur la confiance qu'il lui avait accordé.
Sur leurs mains liées -à jamais.
Daisuke se redressa pourtant brutalement, et tituba jusqu'à la salle de bain pour vomir - Incapable de se remettre debout, il se laissa tomber sur la cuvette des toilettes et chercha fébrilement une boîte de médicament, ou une bouteille de vin. Ses yeux, voilés par la douleur et la folie latente, parcouraient l'entiereté de l'appartement sans rien trouver.

"Jun..."

Il ne le voyait plus si bien, à présent. C'était pathétique. Pourquoi fallait-il que la douleur et la misère le rattrapent dans les moments les plus agréables de son existence?

"Jun, il me faut du vin. Il m'en faut."

Il n'était pas sûr que Jun accepte d'aller en acheter ; mais c'était le seul moyen. Le seul moyen pour que la douleur cesse.

"Il en faut, Jun, et des médicaments... Je te promets... C'est pas pour fuir encore..."

Daisuke tenta maladroitement de se mettre debout, mais se contenta de s'assoir sur ses jambes - Ainsi, peut-être que les crampes s'atténueront.

"Dans trois jours ça sera fini... Dans trois jours, mon corps n'aura plus besoin d'héroïne... Il faut que je boive du thé... Beaucoup de thé. Et du vin!"

La douleur du manque n'est pas une douleur anodine. C'est celle du corps qui s'embrase et se mutile de l'intérieur sans qu'on puisse y faire quelque chose, celle des intestins qui se décompose et des muscles qui se tendent ; celle surtout de l'esprit qui s'ammenuise et de la raison qui abandonne, celle de la solitude et de l'indifférence avec pour seul Dieu la drogue maternelle et ses murmures évanescents. Il ne pourrait pas tenir sans rien pour canalyser la douleur. Même Jun ne pouvait le soulager de ce fardeau. Jun était ce pourquoi Daisuke se battait, mais même sa présence pourtant indispensable était impuissance face à... Die.

"Jun... Embrasse-moi..."

Malgré la douleur qui lui brouillait les sens, Daisuke restait intensément sensible aux attentions du rebelle. Son aide, ses mains sur ses épaules, son soutien mental et physique était d'une telle importance qu'il eut d'autant plus mal de penser que pendant des années, il avait vécu des moments pareils en étant totalement seul. Comment avait-il pu survivre si longtemps? Il avait l'impression d'agoniser, sa température corporelle lui devenait insupportable ; le gant que Jun posa sur son front apaisa la fièvre un instant mais bien vite la sueur remplaçait l'eau tiède. Il tremblait compulsivement, et se blottit sous les draps dès que Jun l'eut déposé sur le lit ; il n'avait pas froid mais son corps semblait se débattre d'entre les doigts même de la mort. Il voulut retenir Jun en le voyant s'éloigner de lui, et crier en le voyant sortir. Il ne put produire qu'un râle d'exaspération et d'impuissance en constatant que les mots ne parvenaient même plus jusqu'à sa gorge. Jun était parti. Il ferma les paupières et enfouit sa tête sous l'oreiller en espérant que les cris d'agonies cessent, que l'eau ne s'infiltre plus dans ses poumons, que les vers ne grignotent plus l'intérieur de son estomac - Il plongea les doigts sous son T-shirt et agrippa la peau de son ventre à pleines mains, espérant peut-être que le grouillement dans ses intestins finirait par disparaitre. Il gémit, se mordit la langue pour sentir autre chose que cette douleur qu'il ne pouvait contrôler et qui le rendait fou de rage ; le goût du sang lui donna la nausée et il se colla en haut du lit pour être sûr de ne pas en tomber. L'idée de devoir ramper sur le sol comme un insecte qu'un gosse brûle avec un briquet lui donnait l'impression de n'être déjà qu'une pauvre chose moribonde.

Il ouvrit brusquement les yeux en comprenant enfin qu'il était réellement seul. L'instinct de survie du junkie refit surface, et il se redressa brusquement sur son séant. Le geste fut si rapide qu'un violent vertige le fit basculer en arrière, et il se mit dans la position du foetus en sanglotant. Il n'avait même plus conscience de sa situation, ni même des instants de bonheur qu'il vivait quelques minutes auparavant. Il n'y avait plus rien, sinon l'unique désir d'être enfin libéré de cette torture - Par quelque moyen que ce soit.
Et puis, alors qu'il mordait ses lèvres avec fureur, il se souvint du baiser que Jun y avait posé. Qu'avait-il dit? Dans les méandres de la conscience de Daisuke, le visage de Jun apparu souriant. "Encore et encore. Pour toujours." Il allait revenir. Il l'avait dit. Les mots de Jun étaient tous des promesses.

Daisuke se força à détendre ses mains qui griffaient la peau de ses bras. Il colla son front contre le mur froid, et ferma à nouveau les paupières. La douleur se faisait cruelle, lancinante, à en rendre fou le plus raisonnable des hommes. Jun allait revenir - Qu'allait-il penser s'il le voyait ainsi, les lèvres rougit par le sang, et ses propres ongles plantés dans sa peau?
Il ne fallait pas qu'il quitte le lit. S'il le faisait, Jun ne pourrait pas le retrouver - Dans son esprit à l'agonie, le lit était le seul endroit où il se devait d'être. Il devait seulement attendre, attendre que Jun revienne, ne pas se lever pour ne pas tomber, ne pas se faire mal pour ne pas lui faire de peine. Juste attendre en espérant que la mort n'arrive pas avant lui.
La porte s'ouvrit violemment, Daisuke gémit de satisfaction. L'odeur de Jun lui revint en mémoire. Il se mit à pleurer, et d'une voix rendue rauque par les cris et la douleur, il bredouilla:

"T'es là..."

Daisuke soupira de soulagement en attrapant maladroitement le verre que Jun lui tendait. Il se redressa tant bien que mal pour boire s'en s'étouffer, alors que le rebelle le quittait précipitement pour revenir aussitôt -Il n'avait pas saisit ce qu'il portait, trop concentré sur l'eau qu'il ingurgitait désespérément. Il ne s'était pas rendu compte d'à quel point sa gorge était sèche et sa bouche pâteuse. Les tremblements ne cessaient toujours pas, et il eut envie de prendre beaucoup plus de médicaments, dans ce réflexe purement humain qui consiste à croire que l'effet en sera plus rapide. De même, il saisit à deux mains la bouteille et porta le goulot à sa bouche comme s'il s'agissait là de son dernier espoir. Il en avala plusieurs énormes gorgées, sans prendre le temps d'avaler correctement, tant il souhaitait que la douleur se taise. L'alcool finit par lui donner des vertiges, mais après avoir bu plus d'un tier de la bouteille, son effet mêlé à celui des médicaments fut radical. Il n'était pas seulement saoul, il était complétement out. Un voile d'hébétitude couvrait ses yeux, et la déshynibition fut totale ; la douleur était probablement encore présente, mais seule subsistait la chaleur qui emplissait désormais son esprit et l'odeur de Jun tout près de lui. Il se laissa faire avec plaisir quand le rebelle l'installa contre lui, et se nicha au plus près de son corps.
Un malaise demeurait, puisqu'il se sentait toujours très mal ; une nausée perpétuelle lui soulevait le coeur, bien qu'il n'eut pas envie de vomir, et il se sentait plein de courbatures insupportables - A tel point qu'il en était presque incapable de bouger. Il avait vraiment froid, maintenant, et se blottit en gémissant sous la couette, tout contre Jun. Et alors qu'il sombrait lentement dans les traitres vapeurs du fatal mélange, la voix de Jun le tira de son sommeil artificiel. Comme envoûté, il quitta l'étreinte cruelle de l'alcool contre celle, au combien plus réconfortante, de la voix de Jun qui lui parvenait de très loin. Il ne comprennait pas un traitre mot de ce qu'il disait, mais ne ressentait ni l'envie ni le besoin de saisir le sens de ses paroles. Il se laissa berçer par le rythme des phrases, et imaginait sans peine le visage que pouvait avoir Jun en cet instant. Il aurait l'air fort, déterminé, et dans ses yeux sombres brillerait une leur de détresse.
Malgré ces quelques sombres pensées, Daisuke ne sombrait pas dans la tristesse, il était trop confortablement installé, et trop serein pour ressentir des émotions réellement négative. La défonce avait du bon, dans de telles situations. Il espérait vaguement ne pas avoir à répéter ce manège chaque jour, craignant que Jun ne finisse par être trop fatigué par cette situation, et donc incapable de tenir le coup. Il ne voulait pas le voir maigre, cerné, épuisé par un rythme de vie trop instable.
Daisuke glissa une main encore agitée de légers tremblements sous le T-shirt de Jun pour entrer en contact avec sa peau. Un demi-sourire apparut sur son visage apaisé bien que luisant de sueur, tant la présence de Jun lui faisait du bien. Ses mots qui ne cessaient pas de venir à lui le maintenaient dans un était de béatitude très rassurant, bien loin de l'hystérie ou du sommeil sans rêve que provoquaient les mélanges d'alcool et de médicament -Pourtant seuls remèdes au manque.
Il entreprit, presque inconsciemment, de dessiner des formes abstraites avec ses doigts sur le ventre de Jun. Sa peau était si douce qu'il aurait aimé y poser sa joue et s'y endormir. Même depuis cet endroit, il parvenait à sentir les battements du coeur de Jun -Quant aux siens, ils étaient si rapides et désordonnés qu'il s'en sentait mal. Il n'aurait sûrement pas pu se lever, et encore moins faire une quelconque activité, sous peine de s'évanouir. Enfin, alors que Jun continuait encore et toujours de lire -Il semblait inlassable- Daisuke brisa le cycle de ses paroles pour glisser un murmure endormi:

"Merci Jun. J'ai hâte d'être quelqu'un de normal. Ce sera à mon tour de te lire des histoires et de te caresser les cheveux."

Puis, il se tut et poussa un long soupir de fatigue. La crise de manque l'avait littéralement cloué au sol, le vidant de toutes ses forces physiques et mentales. D'un geste presque capricieux, accompagné d'un gémissement mécontent, il enjoigna Jun à s'allonger à ses côtés. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être, mais il faisait noir, et il avait envie de dormir. Dans les bras de Jun... Contre sa peau et son odeur qui le rendait heureux malgré sa douleur.

Le baiser que Jun lui offrit eut un effet mémorable sur Daisuke. En cet instant, il se sentit terriblement bien, en sécurité entre les bras de Jun. Tout contre son corps, il ne tremblait plus, et la perspective de passer une nuit entière blotti dans l'étreinte du rebelle, leurs battements de coeur mêlé, lui fut d'un grand réconfort. Lorsque Jun posait ses lèvres sur son épaule jusqu'à sa bouche, de délicieux frissons naissaient sur sa peau - L'émotion était si forte qu'il ne put la comprendre tout à fait. Il se laissa enfin aller au sommeil, la respiration du rebelle agissant comme une berceuse naturelle.
Même endormi, il gardait une grande conscience en la présence de Jun à ses côtés ; il s'éveilla plusieurs fois en sursaut, baignant dans sa sueur, les yeux écarquillés sur l'horreur et la souffrance qui gagnait lentement son corps. Alors, en tentant de faire le moins de bruit possible, il attrapait la bouteille de vin et en buvait de longues gorgées. Puis, retrouvant le contact de la peau de Jun en y posant ses mains crispées, il se concentrait sur la respiration et les battements de coeur de ce dernier, incapable de dire s'il dormait ou non - Il était là, c'était son unique moyen pour se détendre et s'endormir à nouveau. Il plongeait son visage dans le cou de Jun et s'abreuvait de son odeur, ses doigts parcourant librement sa peau dans l'attente du sommeil. Il sombrait dans un néant rassénérant bien que peu reposant, avant de s'éveiller à nouveau. Sa nuit fut courte, particulièrement désagréable, mais lorsqu'il s'éveilla tout à fait il senti Jun contre lui et ne prit pas la peine d'ouvrir les yeux. Il se contenta de sourire dans le vide et, sans savoir si le rebelle dormait ou pas, déposa sur ses clavicules quelques baisers tranquille.
Il avait mal au dos, et à la tête d'avoir trop bu ; mais il lui semblait que la torture était déjà moins pénible. Il pouvait profiter de la présence de Jun, et ne se priva pas de l'étreindre tendrement.
D'une main encore amollie par le sommeil, il caressa la chevelure du rebelle et de l'autre, appuyait sur la chair de ses hanches - Pourtant minces. Percevoir ce corps contre le sien était aussi rassurant que sensuel.

Daisuke sentit son coeur rater un battement à l'affirmation de Jun. Cela lui fit un effet terriblement étrange, comme s'il tombait de très haut ; sauf que c'était du à un bonheur soudain et intense. La chute était délicieuse. Il ressera son emprise sur Jun et enfouit son visage dans son cou. Les baisers que le rebelle lui avait donnés avait fait de son réveil un moment particulièrement agréable, et il ne voulait sortir de ce cocon de bien-être pour rien au monde. Avoir bu toute la nuit l'avait empêché de se reposer normalement, mais au moins les douleurs s'étaient amoindries, et il profitait avec un plaisir sans limite des caresses que Jun prodiguait à ses hanches. Lui-même passa ses mains dans son dos et laissa ses doigts parcourir librement sa peau si douce, la palpant plus longuement sur ses reins ou ses omoplates. Jun paraissait en bonne santé, mais il était tout de même très mince - Trop mince. En s'écartant de lui, Daisuke remarqua les cernes qui soulignaient ses yeux sombres et fronça les sourcils. Il avait du réveiller le rebelle un bon nombre de fois pendant la nuit, et cela lui provoqua un pincement au coeur. Pourtant, il ne parvint pas à sans vouloir plus longtemps ; Le brouillard de son esprit ajouté à l'extase de ses sens l'empêchaient de voir du négatif dans la nuit qu'ils avaient passés ensemble.

"Je suis content que tu sois content."

Il avait murmuré en souriant, ses yeux plongés dans ceus de Jun. Il retira sa main de sous son T-shirt pour la glisser dans ses cheveux, la refermant doucement sur son crâne pour l'attirer à lui. Il le fit même basculer au-dessus de lui avant de soulever son T-shirt. Il avait envie de sentir la peau de son ventre contre la sienne ; et bien qu'il ne comprit pas exactement la nature de cette soudaine impulsion, le contact de Jun l'apaisa énormément. Il clot à nouveau leurs lèvres, dans l'espoir de faire reculer l'instant fatal de la séparation. Daisuke n'avait pas envie de le voir partir encore, même s'il se sentait à présent capable de tenir une journée entière. Le problème majeur, celui qui pourrait le faire tomber, était l'ennui. Maintenant, il avait les livres de Jun...

Il se sépara enfin de lui, le poussant gentiment pour se redresser. La perspective de cette nouvelle journée n'était plus si dure, maintenant. Ce qui l'inquiétait le plus, c'était le travail de Jun.

"Jun... Je m'en veux, tu sais. Je viens de réaliser cela, mais... Pendant que moi je suis là, à rien faire sinon combattre mes démons intérieur, toi tu es obligé d'aller dans cette horrible endroit...Et je sais ce que c'est, Jun, et j'ai peur pour toi."

Il pinça les lèvres en rivant ses yeux voilés par l'inquiétude sur le rebelle. Il ne pouvait pas lui dire qu'il refusait l'idée de le savoir aux bras d'hommes lubriques, pas seulement pour le protéger, mais aussi parce que cela provoquait un son ventre une sensation terrible qui lui donnait envie de détruire chaque personne qui oserait porter la main sur Jun. Ca, c'était de la jalousie ; Daisuke savait qu'il serait malvenu d'évoquer cela en présence du rebelle, sachant qu'il faisait cela contre son gré, et pour protéger ses valeurs. Il se détourna finalement, et entreprit de faire du thé. C'était là le seul réconfort qu'il pouvait apporter au jeune homme avant son départ...